Déclaration au CSE du 14 septembre 2023

Monsieur le Ministre,
Plus d’une semaine après la rentrée scolaire, nous pouvons désormais l’affirmer, il manque des enseignantes et enseignants dans les classes. Si la solution de mettre des remplaçants sur des postes à l’année devient légion, elle provoque en cascade d’autres difficultés et notamment celle du remplacement.
Il n’est plus supportable pour nos collègues dans les écoles d’entendre votre discours mensonger ainsi que celui du président. Non, les remplacements ne seront pas effectués en cette rentrée dans le premier degré, oui, les élèves seront accueillis quand leur enseignante ne sera pas remplacée et oui, cela désorganisera l’ensemble des enseignements dans toutes les classes. Comme les années passées, le service public ne sera pas assuré partout et l’école fonctionnera en mode dégradé.
Dans de nombreux départements, la rentrée s’est faite sur le dos des personnels en supprimant leurs droits. Ainsi les temps partiels sur autorisation sont refusés, les disponibilités également et certaines quotités de temps partiels de droits sont même revues.
En cette rentrée, en axant toute votre communication sur l’interdiction du port de l’abaya ou bien encore sur l’expérimentation de l’uniforme, vous avez volontairement exclu un débat sur le fonctionnement de l’école.
Ainsi la réalité des écoles est toute autre : manque d’enseignantes et enseignants, d’AESH, d’enseignants spécialisés de RASED, d’ULIS, effectifs chargés, situations d’inclusion difficiles … Une réalité qui demande un investissement important mais que l’État n’engage pas au regard de la dépense intérieure d’éducation qui en 2021 représentait 68% du produit intérieur brut soit exactement la même proportion qu’en 1982.
Pour votre première rentrée en tant que ministre, vous avez fait le choix d’envoyer un mail à tous les directeurs et directrices d’école pour leur demander de transmettre aux parents un flyer intitulé : « Rentrée 2023 : ce qui change pour votre enfant ». Ce flyer annonçait que dorénavant l’enseignante de leur enfant mettrait en place de façon régulière des séances de lecture, écriture, exercices de grammaire, orthographe et calculs. Laissant entendre par cette communication que les PE ne le faisaient pas avant. Dans ce même document, vous présentiez les augmentations de salaires sans conditions accordées aux enseignantes et enseignants à partir de cette rentrée. Mais quelle autre administration affiche ainsi les augmentations de salaires auprès des usagers ? Les parents d’élèves de l’école sont des véritables partenaires avec qui nous construisons une relation de confiance qui ne peut qu’être entachée par ce type de communication.
Cette politique du mensonge et du dénigrement masque mal l’absence d’une réelle politique ambitieuse pour l’école publique.
Alors en cette rentrée, aucun Dasen n’a reçu des moyens supplémentaires pour accueillir les élèves dès 2 ans en éducation prioritaire, toutes les classes de cycle 2 ne sont pas plafonnées à 24. La réalité est toute autre et la FSU-SNUipp continuera de démasquer les tromperies de votre communication. D’ores et déjà, elle a appelé les directrices et directeurs à ne pas distribuer ce flyer.
Par ailleurs, peut-être aurait-il fallu attendre le rapport de l’OCDE pour vous exprimer sur la question des fondamentaux à l’école ?
En effet, ce rapport sorti le 12 septembre confirme les constats portés par la FSU-SNUipp depuis plusieurs années et bat en brèche un certain nombre d’idées reçues et d’annonces gouvernementales qui ne correspondent pas à la réalité du terrain. Il souligne que près de 60% du temps scolaire à l’école élémentaire française est consacré aux fondamentaux (français et mathématiques), contre 41% en moyenne dans l’OCDE. Dans le détail, 38% du temps en France est consacré à la compréhension de l’écrit, et 21% aux mathématiques, contre respectivement 25% et 16% pour l’OCDE. Le constat est donc sans appel : en France, on passe beaucoup de temps à faire des fondamentaux et pourtant on s’en sort moins bien que la moyenne des pays européens. Comme le précise Eric Charbonnier, expert éducation à l’OCDE "Ça doit nous faire réfléchir sur le fait que tout n’est pas forcément qu’une question de quantité" et qu’une approche plus qualitative pourrait être envisagée”. Pour la FSU-SNUipp, il s’agit bien de savoir ce que l’on met derrière le terme “fondamentaux” et que le déploiement d’une politique éducative particulièrement injonctive prétendant orienter les pratiques enseignantes vers l’entraînement de compétences de “bas niveau” facilement mesurables, à l’instar du décodage et de la fluence en lecture, renforce les inégalités. Malgré des résultats de la recherche qui pointent la nécessité de travailler la compréhension en lecture, le ministère persiste depuis 6 ans au détriment des élèves les plus fragiles.
Par ailleurs, la politique de pilotage par les évaluations nationales, que vous persistez à maintenir et à renforcer avec désormais des évaluations en CM1 ne peut qu’accroître ces inégalités. Sous la pression évaluative les enseignantes et enseignants ont tendance à resserrer progressivement les apprentissages de leurs élèves sur la réussite d’exercices standardisés, excluant de fait des pans entiers des programmes. La FSU-SNUipp organise d’ailleurs sur le sujet des évaluations un colloque les 18 et 19 septembre. L’objectif sera bien de resituer l’acte d’évaluer au cœur des situations d’apprentissages et au service de ceux-ci et non d’une normalisation des pratiques.
Monsieur le Ministre, il est maintenant urgent d’écouter les experts que sont les enseignantes et les enseignants parce que l’école a plus que besoin de sérénité et de moyens pour répondre aux défis auxquels elle est confrontée. Pour cela, il faut faire confiance aux professeurs des écoles, les respecter et les écouter en tant que professionnels de l’éducation au lieu de multiplier les annonces médiatiques à l’emporte-pièce.
En clair, Monsieur le Ministre, laissez-nous travailler !

Déclaration de la FSU-SNUipp au Conseil Supérieur de l'Education

Déclaration de la FSU-SNUipp au Conseil Supérieur de l'Education